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POÉSIE ET ÉROTISME
Les grecs et les latins parlaient de ces choses librement et ne songeaient pas à rougir quand ils décrivaient les plaisirs de l'amour physique. Il n'y avait pas alors "d'organes honteux". C'est la religion chrétienne qui a voulu laisser dans l'ombre toute la joie des rapports physiques de l'homme et de femme, qui a inventé à leur sujet la notion de péché, qui a jeté l'interdit sur certains mots, sur certains gestes, sur ce qui, en fin de compte, est une de nos principales raisons d'être sur la terre.
Il y a seulement quelques siècles, au même titre que la sorcellerie, l'érotisme, qu'on appelait alors libertinage, conduisait au bûcher. On sait que Théophile de Viau, accusé en 1622 d'être un des auteurs du "Parnasse Satyrique" échappa de justesse aux flammes et ne fut brûlé qu'en effigie. Quelques années plus tard, Claude Le Petit, n'eût pas cette chance, il eut le poing tranché et fût brûlé vif à 23 ans en place de Grève pour avoir écrit quelques compositions de vers et de prose "impurs".
Le poète Robert Desnos donne cette définition de l'érotisme : "tout ce qui se rapporte à l'amour pour l'évoquer, le provoquer, l'exprimer, le satisfaire" (le poète de la liberté et l'amour). On peut ajouter que quiconque veut éluder l'érotisme de sa vie ment. Si trop souvent la vie sexuelle s'accomode du mensonge, c'est à ses dépens. Dans sa gaillardise, sa verdeur ou son réalisme brutal, qu'elle soit galante, libertine ou purement amoureuse, la poésie érotique reste une poésie sincère, authentique, une poésie de vérité.
Paul Verlaine est, au temps du Symbolisme, le grand poète de l'amour, tout comme Ronsard au temps de la Renaissance. Apollinaire fut un élégant poète dans toutes ses oeuvres, Pierre Louÿs, un esprit satirique bien fait pour continuer la tradition des Théophile de Viau et Claude le Petit. Parmi nos contemporains, le choix est restreint, soit parce que certains, encore en vie, refuseraient d'avouer qu'ils ont chantés autre chose que les yeux ou les cheveux de leur bien-aimée, soit parce que les veuves d'académiciens croiraient porter préjudice à la mémoire de leur défunt en laissant paraître des vers érotiques. Heureusement, maintenant il est permis de dire tous des rapports de l'homme et de la femme et une prose qui ne connait plus d'entraves nous a amenés à accepter comme tout naturel les écrits d'un Miller ou d'un Genêt.
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